Si le Ministre de l'agriculture s'était nommé Pinocchio, il aurait la langue de bois aussi grande que le nez...
Tribune de Bruno Le Maire, Ministre de l’Agriculture, de l’Alimentation, de la Pêche, de la Ruralité et de l’Aménagement du Territoire publiée dans le quotidien Libération le 16/02/2011
« L’agriculture avec l’environnement »
« Depuis plusieurs années, les agriculteurs français ont fait le choix de l’environnement.
Par nécessité : le coût croissant des engrais, les risques des pesticides sur leur santé et la nature, la pollution des nappes phréatiques font de ce choix le seul raisonnable.
Par conviction aussi : les paysans sont les premiers à mettre au point de nouvelles pratiques rotationnelles pour éviter l’épuisement des sols. Les premiers à tester des solutions pour gérer les effluents d’élevage, comme la méthanisation. Les premiers à se convertir au bio, à raison de 15 conversions par jour. Pour les agriculteurs français, l’environnement n’est pas un slogan : c’est leur quotidien. Alors quand je vois France Nature Environnement (FNE) se livrer à des raccourcis inacceptables sur le vieux refrain "agriculteurs = pollueurs", je suis partagé entre colère et indignation. La campagne de FNE est une provocation à quelques jours du salon de l’agriculture. Elle est un scandale : elle oublie la détresse qui a conduit certains agriculteurs au suicide.
Le président de la République et le Gouvernement ont décidé d’accompagner le passage d’une agriculture intensive à une agriculture toujours plus respectueuse de l’environnement. Nous voulons conjuguer agriculture et environnement. Tous les objectifs du Grenelle seront maintenus. Nous continuerons d’apporter notre soutien à la mise aux normes des exploitations. Nous aiderons les élevages extensifs à l’herbe. Nous maintiendrons rigoureusement le même niveau d’aide au bio. »
[NDR : Prévu dans la loi de finances 2011 votée à la mi-décembre, le crédit d'impôt, accordé depuis 3 ans aux agriculteurs convertis au bio, est passé de 4.000 à 2.000 euros depuis le 1er janvier2011.
Le montant du crédit d'impôt s'élève à environ 17 millions d'euros alors que la France a accordé 196 millions d'euros d'aides cette année à la filière agrocarburant… ]*
Mais accompagner un mouvement n’est pas le précipiter. Ne l’oublions pas : nos agriculteurs sont soumis à une concurrence européenne sans merci. Nous leur demandons de résister au dumping par les prix de pays qui ne respectent pas les mêmes critères environnementaux. Si nous ne sommes pas raisonnables dans nos exigences, nous aurons sauvé une certaine idée de l’agriculture, mais les agriculteurs auront disparu. A mille lieux des polémiques, je propose pour avancer une méthode en trois points.
Premier point : solidarité et réalisme. Nous devons tenir compte de la réalité du revenu des paysans : il a lourdement chuté en 2009, il commence seulement à se redresser. Il est donc essentiel de soutenir les efforts de modernisation des exploitations, de les aider à dresser un bilan énergétique, de donner si nécessaire des délais au cas par cas : c’est l’orientation du Gouvernement.
Deuxième point : harmoniser les règles européennes. Marché unique, règles uniques. Nous ne pouvons pas demander à nos agriculteurs d’être aussi compétitifs que leurs voisins et leur fixer des objectifs plus contraignants. Nous ne pouvons pas leur demander de réduire les coûts de production sans autoriser la circulation en France de camions de 44 tonnes. Le Président de la République a apporté une réponse claire à ce sujet. Il a eu raison. L’harmonisation européenne ne signifie pas le moins-disant environnemental, mais simplement que tous les Etats européens avancent au même rythme. C’est pourquoi j’apporte mon soutien au verdissement de la PAC tout en refusant de nouvelles règles administratives complexes.
[ NDR: Il ne faut pas que l'Europe soit l'occasion – et non la cause de mon point de vue – d'un moins disant environnemental et agricole. Le cas des fromages au lait cru ?!
Quelques références :
Un débat ancien : http://www.senat.fr/questions/base/2005/qSEQ050517848.html
La santé, préoccupation justifiée ou alibi ? : www.inra.fr/la_science_et_vous/apprendre_experimenter/questions_d_actu/2008/le_lait_dans_tous_ses_etats/qu_est_ce_que_le_lait_cru
Des enjeux financiers ? : http://www.marianne2.fr/Guerre-des-fromages-France-3-pasteurise-la-verite_a82457.html
Et aussi un petit rappel du soutien inconditionnel et spontané du Gouvernement aux agriculteurs français. Pourquoi s'inquièteraient ils ?
http://www.lepoint.fr/actualites-societe/2009-05-29/europe-les-sujets-qui-fachent-5-le-vin-rose/920/0/347886]
Troisième point : réciprocité internationale. Nous ne pouvons pas fixer en Europe des règles sanitaires parmi les plus strictes au monde (tant mieux), défendre le bien-être animal (tant mieux), prêter attention à la biodiversité (tant mieux) et simultanément ouvrir tout grand nos frontières à des produits agricoles qui ne respecteraient pas les mêmes règles. Ce serait une folie économique et une injustice profonde pour les agriculteurs européens.
[NDR : Sur la question du bien-être animal, des informations sur la législation en vigueur en Europe sur http://ec.europa.eu/food/animal/welfare/international/index_fr.htm ]
Agriculture et environnement progressent ensemble. Nous ne sommes certainement pas au bout du chemin. Mais nous avons un cap. A nous, responsables politiques, professionnels agricoles, associations de défense de l’environnement et tout simplement citoyens, de le tenir ensemble. Sereinement et en bonne intelligence. »
*Informations issues notamment d'un article d'un article du site Actu-environnement intitulé Agriculture bio : l'Etat entend maintenir ses objectifs malgré la baisse du crédit d'impôt disponible sur ce lien : http://www.actu-environnement.com/ae/news/credit-impot-agriculture-bio-etat-aides-ong-fnab-11678.php4